Bronze, Seeler 13. II.B.9.
Käthe Kollwitz a probablement développé cette sculpture en trois versions de l’été 1912 au début de 1915. Une photo de l’époque montre l’une des versions précédentes, qu’elle avait réalisée à l’hiver 1912/13 comme un agrandissement libre t d’un premier projet créé à l’été 1912. À la fin de 1915, elle acheva l’œuvre et exposa le plâtre de la version finale comme sa première réalisation tridimensionnelle au printemps 1916 à la Sécession libre de Berlin, sous le titre »Couples d’amants«.
Kollwitz a vécu cette première comme un désastre, même si la critique l’avait plutôt épargnée. En 1916, déçue, l’artiste nota dans son journal et de façon programmatique:
Il est vrai qu'elle est un échec. Pourquoi? Elle n’est pas accessible à tous. Le grand public ne la comprend pas. Pour plaire au grand public l'art ne doit pas être nécessairement simpliste. Bien que si il l’est, ce public l’appréciera aussi, mais il est certain que l’art, le vrai, lui plaira s’il est simple.
Il faut qu’artistes et gens du peuple se comprennent, c’est ma conviction [...].«
Käthe Kollwitz, Journal, 21 février 1916
En fait, plusieurs couches de sens se superposent dans le »Couple amoureux«. En effet, dans la constellation d’images représentant deux figures, où l’un est assis sur les genoux de l’autre, les intentions des personnages représentés diffèrent selon les estampes, s’il on peut dire. Parfois, c’est un enfant mort sur les genoux de sa mère, parfois, la mort qui tient une jeune fille et, plus traditionnellement deux amants se tournent l’un vers l’autre. On peut voir ici Éros, le dieu de l’amour, ou Thanatos, le dieu de la mort.
Si, dans le groupe sculpté, le personnage le plus grand, dont le visage reste caché, extrait sa main de la masse informe puis retient et entoure la tête du plus petit personnage, apparemment endormi, comme s’il le modelait tendrement, alors cela suggère l’œuvre d’Éros, la création d’une nouvelle vie. Mais le petit personnage sans vie pourrait être tout aussi bien délicatement enlacé par la Mort.
Cette ambiguïté a contribué au fait que dans les années 1950, alors que l’histoire de sa création avait été oubliée, le groupe était souvent intitulé »Femme avec un enfant mort«.